1 390 euros brut pour 24 heures de garde. Voilà le plafond imposé, depuis avril 2023, aux médecins intérimaires dans les hôpitaux publics français. Pourtant, certains établissements passent outre et dépassent ce seuil, s’exposant à des sanctions financières qui ne tardent pas à tomber.
Douze mois après l’entrée en vigueur de cette règle, les services hospitaliers peinent à trouver des candidats. Les infirmiers en pratique avancée voient leur rôle se transformer, alors que l’accès aux praticiens hospitaliers reste sous tension et que l’organisation des soins évolue à marche forcée.
Comprendre la loi Rist : genèse, principes et portée
La loi Rist, qui porte le nom de sa rapporteure, la rhumatologue et députée du Loiret Stéphanie Rist, s’inscrit dans une volonté assumée de bousculer l’organisation du système de santé français. Votée en 2021 puis précisée par plusieurs textes, elle cherche à rééquilibrer la place des acteurs du soin face à la pénurie de médecins et à l’explosion des besoins en santé.
Mais la définition de la loi Rist ne se résume pas à encadrer l’intérim médical. Son ambition : refonder la transformation du système de santé sur deux piliers. D’abord, garantir un accès à des soins de qualité sur tout le territoire. Ensuite, reconnaître pleinement les compétences des professions paramédicales. Pour y parvenir, la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale s’est appuyée sur un rapport enrichi par des échanges avec professionnels et patients.
Plusieurs articles structurent ce texte. L’objectif est clair : répondre à la réalité des déserts médicaux et clarifier le parcours de soins. Parmi les mesures phares, citons la possibilité pour les infirmiers en pratique avancée ou les sages-femmes de réaliser certains actes sans avoir à attendre une prescription médicale préalable. Résultat attendu : alléger les démarches et accélérer la prise en charge, notamment dans les zones en manque de médecins.
L’impact de la loi Rist se mesure aussi à travers ses effets sur la gouvernance hospitalière. Les agences régionales de santé (ARS) disposent désormais d’outils plus puissants pour piloter l’offre de soins et ajuster les ressources humaines en fonction des besoins locaux. C’est une nouvelle façon d’envisager le partage des responsabilités entre professions, pour tenter de renforcer l’accès aux soins partout en France.
Quels enjeux pour l’accès aux soins en France depuis l’application de la loi ?
La loi Rist a rebattu les cartes sur l’ensemble de l’offre de soins. Les attentes sont fortes : mieux répondre à l’urgence des déserts médicaux, rendre l’organisation des soins primaires plus réactive, renforcer la coordination entre professions de santé et soutenir la montée en puissance des centres de santé et Msp (maisons de santé pluriprofessionnelles). Ce fonctionnement s’appuie sur un dialogue renforcé entre les acteurs locaux : directeurs d’ARS, élus, soignants sur le terrain.
Personne ne le conteste : la pénurie de médecins généralistes frappe d’abord les zones rurales et périurbaines. À ce titre, la loi donne un rôle accru aux directeurs des ARS pour organiser l’offre de soins et adapter les moyens à chaque territoire.
Du côté des professionnels de santé, les avis divergent. Certains déplorent l’insuffisance des moyens structurels. D’autres saluent la simplification des parcours pour les patients et la reconnaissance élargie des compétences, notamment au sein des équipes coordonnées.
Mais cette modernisation du système de santé soulève aussi de nouveaux défis. L’équité d’accès aux soins dépendra de l’implication de tous : assurance maladie, collectivités, établissements de santé, professions paramédicales. Qu’on soit à Paris ou dans un village reculé, la réussite de cette mutation reste à prouver.
Le rôle des infirmiers en pratique avancée : une évolution au cœur de la réforme
L’essor des infirmiers en pratique avancée (IPA) traduit concrètement l’ambition de la loi Rist de refonder la distribution des rôles dans le soin. Après des années de débats et d’expérimentations, les IPA voient leur champ d’action s’élargir, modifiant la dynamique des équipes médicales. Objectif affiché : rendre plus fluide la prise en charge des patients atteints de pathologies chroniques stabilisées ou nécessitant un suivi rapproché.
Sur le terrain, les IPA s’imposent comme de véritables pivots. Ils interviennent dès la première ligne, notamment dans la prévention, l’éducation thérapeutique ou le dépistage. Leur mission s’étend désormais à la surveillance de malades chroniques, à l’ajustement de traitements, ou à la prescription de certains examens complémentaires, tout cela sous contrôle réglementaire strict. Ce transfert de compétences répond à un double enjeu : désengorger les cabinets médicaux et garantir la continuité des soins, surtout dans les territoires où le médecin se fait rare.
La loi accorde également aux auxiliaires médicaux et aux sages-femmes de nouvelles responsabilités, sans couper le dialogue avec les médecins référents. Cette approche collaborative, suivie de près par les agences régionales de santé, vise à mesurer l’impact sur l’accessibilité et la qualité des soins.
Un point reste sous surveillance : la formation initiale et continue des IPA. Ces professionnels, issus d’un cursus exigeant, doivent maintenir un niveau de compétence élevé pour répondre à l’évolution des besoins. Les premiers bilans, tirés des rapports d’évaluation, montrent l’intérêt de cette évolution, même si des différences régionales persistent.
Médecins intérimaires : état des lieux et répercussions un an après la loi Rist
Depuis que la loi Rist est entrée en vigueur, le secteur de l’intérim médical subit de profonds bouleversements. Le plafonnement de la rémunération des médecins intérimaires à 1 390 euros brut pour 24 heures de garde a changé la donne dans les hôpitaux publics. Plusieurs établissements, en particulier en régions, ont dû réduire leur recours à l’intérim, contraints par le nouveau carcan budgétaire.
Pour les directions hospitalières, ce changement apporte une gestion plus stable des effectifs, avec moins de recours aux solutions de dernière minute. Mais le revers est bien réel : la diminution du nombre de praticiens disponibles met en difficulté certains hôpitaux, surtout là où la pénurie de médecins frappait déjà fort. Les services d’urgences et d’anesthésie, habitués à compter sur les intérimaires pour tenir les plannings, se retrouvent sous pression.
Pour illustrer concrètement ces répercussions, voici quelques conséquences observées dans les établissements depuis l’application de la loi :
- Des services contraints de fermer temporairement, faute de médecins pour assurer la continuité des soins.
- Des délais d’attente qui s’allongent pour les admissions non programmées.
- Certains hôpitaux repensent leurs stratégies d’attractivité pour les postes permanents.
La loi Rist vise à mieux contrôler les dépenses de sécurité sociale et à prévenir la précarisation des équipes médicales. Mais le constat, après une année, reste nuancé : le système hospitalier apparaît vulnérable, face à la diminution du nombre de praticiens disponibles. Les syndicats insistent, eux, sur l’urgence de refondre l’organisation du temps de travail et de revaloriser les carrières hospitalières.
La loi Rist a ouvert une brèche dans le paysage hospitalier français. Entre espoirs, ajustements forcés et défis de taille, le système de santé avance, parfois à contretemps, sur une ligne de crête où chaque territoire cherche encore son équilibre.


